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Revirement de jurisprudence : la faute grave de l’agent commercial doit être impérativement énoncée dans la lettre de rupture

Revirement de jurisprudence : la faute grave de l’agent commercial doit être impérativement énoncée dans la lettre de rupture

Publié le : 09/12/2022 09 décembre déc. 12 2022

La Cour de cassation jugeait, jusqu’à présent, que l’agent commercial pouvait être privé de son indemnité de fin de contrat lorsque sa faute grave, commise pendant le contrat, a été dénoncée par le mandant après l’envoi du courrier de résiliation. 

La position de la Cour de cassation semblait établie : peu importaient les termes de la lettre de rupture l’invocation même « tardive » de la faute grave, par exemple lors du contentieux, était de nature à priver l’agent de l’indemnité de fin de contrat (Com. 15 mai 2007, n° 06-12.282). 

La doctrine critiquait cette jurisprudence, particulièrement en référence au remarqué arrêt Volvo de la CJCE, aux termes duquel l’indemnité de l’agent devait être maintenue lorsque la faute grave était postérieurement relevée ou dénoncée par le mandant (CJCE 28 oct. 2010, aff. C-203/09, Volvo) ; la seule limite réservée par la Cour de justice européenne étant l’équité, laquelle pouvait influencer, à la baisse, le montant de l’indemnité.

Revirement de jurisprudence avec l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation n° 21-17.423 du 16 novembre 2022 , avec visa exprès de l’arrêt Volvo : 

« (…)10. La chambre commerciale, financière et économique juge régulièrement que les manquements graves commis par l'agent commercial pendant l'exécution du contrat, y compris ceux découverts par son mandant postérieurement à la rupture des relations contractuelles, sont de nature à priver l'agent commercial de son droit à indemnité (Com., 1er juin 2010, pourvoi n° 09-14.115 ; Com., 24 novembre 2015, pourvoi n° 14-17.747 ; Com., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-11.727).

11. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE), par un arrêt du 28 octobre 2010 (Volvo Car Germany GmbH, aff. C-203/09, points 38, 42 et 43), a rappelé, que, « aux termes de l'article 18, sous a), de la directive, l'indemnité qui y est visée n'est pas due lorsque le commettant a mis fin au contrat » pour « un manquement imputable à l'agent commercial et qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai », que « en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte. Partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition » et considéré que « lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive. Par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat. »


12. La CJUE a aussi énoncé, dans un arrêt du 19 avril 2018 (CMR c/ Demeures terre et tradition SARL, C-645/16, paragraphe 35), que « toute interprétation de l'article 17 de cette directive qui pourrait s'avérer être au détriment de l'agent commercial était exclue. »

13. En considération de l'interprétation qui doit être donnée aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, il apparaît nécessaire de modifier la jurisprudence de cette chambre et de retenir désormais que l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité.

14. Pour rejeter la demande d'indemnité de rupture formée par la société Acopal, l'arrêt retient qu'il importe peu que, découvert postérieurement à la rupture, un manquement à l'obligation de loyauté ne soit pas mentionné dans la lettre de résiliation si ce manquement, susceptible de constituer une faute grave, a été commis antérieurement à cette rupture.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.(…) ».

En d’autres termes, le mandant est désormais tenu de dénoncer la faute grave de l’agent commercial dès l’envoi du courrier de rupture, à défaut l’agent conserve son droit à l’indemnité de fin de contrat. 

Pour autant, omettre de mentionner la faute grave dans le courrier de fin de contrat ne conduit pas à son « effacement », conformément à l’exigence d’ « équité » posée par la CJCE.  

En conséquence, si la faute grave dénoncée tardivement n’est plus privative de l’indemnité de fin de contrat, elle peut néanmoins réduire le montant de ladite indemnité.

Attention toutefois à la tolérance du mandant : son absence de réaction peut conduire à exclure la qualification de faute grave (Cass. Com. 7 avr. 2009, n° 08-12.832) ; de surcroit, les tribunaux ont tendance à considérer que si le mandant, informé du manquement, n’y a prêté aucune attention, c’est que ce manquement ne lui a causé aucun préjudice.

Enfin, l’arrêt ACOPAL rappelle que l’agent a droit au paiement des commissions pour toutes les opérations conclues après le contrat. Ce droit à commission demeure conditionné : l’opération doit résulter de l’activité de l’agent et avoir été passée dans un délai raisonnable après la cessation du contrat (art. L. 134-7 du Code de commerce).

En pratique, l’agent est en droit d’exiger que le mandant lui fournisse toute information utile, notamment les extraits de comptabilité nécessaires (art. R. 134-3, al. 2 du Code de commerce). La Chambre commerciale de la Cour de cassation souligne que ce droit ne saurait être subordonné à la démonstration préalable par l’agent de son activité : au soutien de sa demande de communication de pièces comptables l’agent n’a donc pas à prouver qu’il avait développé, avant la rupture du contrat, une activité sur le territoire visé et auprès de la clientèle revendiquée, cette condition n’étant pas fixée par le texte réglementaire.

Bien entendu, l’agent ne saurait mobiliser ce droit pour une autre finalité que celle du calcul de ses commissions.

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