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Photographie « libre de droit » et droit moral d’auteur

Photographie « libre de droit » et droit moral d’auteur

Publié le : 22/03/2023 22 mars mars 03 2023

Un arrêt rendu par la Cour d’appel de RENNES le 17 janvier dernier (Rennes, 17 janv. 2023, n° 20/05121) rappelle d’abord, qu’une photographie est éligible à la protection du droit d’auteur, ensuite, qu’une image dite « libre de droits » ne dispense pas de respecter le droit moral de son auteur.

Les faits de l’affaire sont les suivants.

En 2016, une municipalité a sollicité un photographe pour réaliser un reportage sur la ville.

La facture éditée par le photographe en contrepartie de la réalisation de son reportage portait la mention « photographies libres de droits ».

Après les élections, la nouvelle composition de la municipalité a décidé de cesser toute collaboration avec le photographe pour les évènements organisés par la commune, pour autant l’une de ses photos a continué d’être publiée sur le site internet de la ville, après recadrage, sans mention de son nom et sans son accord.

Le photographe a saisi la justice pour revendiquer la contrefaçon de ses droits d’auteur et réclamer diverses indemnités. 

Débouté en première instance, le photographe a interjeté appel, faisant, notamment valoir l’atteinte au droit moral et le non-respect de l’œuvre photographique recadrée est publiée sans son accord.

2 questions principales étaient donc soumises à la Cour d’appel : en l’espèce, la photographie litigieuse pouvait-elle être qualifiée d’œuvre de l’esprit et donc bénéficier de la protection du droit d’auteur ? Et dans l’affirmative, quid de la réparation du droit moral de l’auteur photographe, alors que celui-ci avait expressément renoncé à ses droits patrimoniaux ?    

1. De principe, L’article L 112–2 du code de la propriété intellectuelle prévoit une liste non exhaustive des œuvres dites de l’esprit, parmi lesquelles figurent les photographies.

En cela, la loi française est conforme à la directive 93/98/CEE du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur, dont l’article 6 dispose que les photographies sont des œuvres originales parce qu’elles sont « une création intellectuelle propre à leur auteur.

Les photographies sont ainsi susceptibles de bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, à condition cependant de rapporter la preuve de leur originalité.

La notion d’originalité n’étant pas définie par la Loi, la jurisprudence l’apprécie in concreto, notamment par l’analyse objective des éléments composant la photographie caractérisant la personnalité de l’auteur, sans prendre en compte l’esthétique de l’œuvre. 

En l’espèce, l’empreinte de la personnalité de l’auteur de la photographie a été ainsi caractérisée :

« (…) La cour d'appel considère que ces éléments illustrent l'empreinte de la personnalité́ de M. X dans la réalisation de sa photographie, lequel a fait 'œuvre créatrice en voulant revisiter un lieu connu de Y, à savoir la célèbre plage de l'Écluse, en la présentant sous un jour inattendu afin de relancer l'effet de nouveauté́ propre à assurer une publicité́ efficace de la station balnéaire. 

La commune de Y ne s'y est pas trompée en choisissant précisément, et avec un gout esthétique indéniable, ce cliché pour la page d'accueil de son site Internet. (…) »


En cela, La solution de la Cour d’appel de RENNES s’inscrit dans un courant classique jurisprudentiel d’appréciation de l’originalité en droit d’auteur (dans le même sens, notamment à propos d’une fresque murale réalisée par le mari dans le domicile conjugal et recouverte par l’épouse sans l’accord de l’auteur pendant la procédure de divorce : Bordeaux, 7 nov. 2022, n° 19/06752,).

2. Restait encore à apprécier l’atteinte au droit moral revendiquée par le photographe et sa réparation.

En l’espèce, la cour d’appel a retenu que l’absence du nom du photographe caractérise une atteinte au droit de paternité contribuant à garantir la renommée de l’auteur.

La Cour rappelle encore que seul l’auteur peut décider de la communication de l’œuvre au public et des modalités de cette communication, de sorte que recadrer une photographie sans l’accord de son auteur caractérise une modification de la substance de l’œuvre non autorisée.

La Cour a donc logiquement jugé que supprimer le nom du photographe et recadrer la photo caractérisent une atteinte à son droit moral d’auteur.

La Cour rappelle enfin la distinction à opérer entre droit moral et droit patrimonial : que l’auteur renonce à son droit patrimonial avec la mention « photographie libre de droits » n’exclut nullement de réparer l’atteinte au droit moral.

La Cour a ainsi décidé que « (…) cette atteinte au droit moral sera justement indemnisée par l'allocation à M. X d'une somme de 500 € tenant compte de l'usage numérique dudit cliché sur la page d'accueil du site Internet de la commune de Y (…). »

En revanche, M. X ne justifiant pas spécifiquement d'un préjudice moral distinct de l'atteinte à son droit moral, la Cour n’a pas fait droit à sa demande d'indemnisation de ce chef. 

A cette somme de 500 €, la Cour a ajouté une condamnation de 1.000€ en application des dispositions de l’article 700 du NCPC, destinée à compenser les frais engagés par le photographe pour faire valoir ses droits.

A noter que le photographe réclamait également la publication de l’arrêt sur la page d’accueil du site de la municipalité et dans deux journaux, en réparation complémentaire de l’atteinte à son droit moral ; toutefois, cette demande a été rejetée par la Cour, la ville ayant opportunément et surtout immédiatement retiré la photographie de son site dès réception des contestations du photographe. 

Une victoire de principe donc pour le photographe rétabli dans ses droits, mais une victoire qui a un cout, vraisemblablement supérieur à la somme globale de 1.500 € allouée par la justice à titre de réparation.

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